Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/310

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vous la faire ressemblante, cette insaisissable chimère qu’il faudrait avoir vue, dans la vie de laquelle il faut avoir plongé le flot de sa vie pour en refléter éternellement les teintes érubescentes, pour en rapporter, contractés à jamais, l’éclat igné et le goût brûlant ! Vous, ma mère, qui savez la force des femmes, vous avez peut-être tremblé à ce que je vous ai dit de celle-là ! En vous parlant de Vellini, j’ai cru parfois que vous l’aviez admirée. Les hommes admirent bien ceux qui les foulent aux pieds ; pourquoi les femmes n’admireraient-elles pas encore davantage celles d’entre elles qui foulent aux pieds le cœur des hommes ? Eh bien, marquise, ce qu’on pouvait craindre est arrivé ! Ce que je voulais fuir en m’éloignant de Paris, m’a atteint. La vieille maîtresse de dix ans, la Vellini, quittée solennellement pour les pures et légitimes jouissances d’un mariage d’amour, s’est ennuyée de la solitude, de son abandon accepté comme une délivrance, et m’a relancé jusqu’à Carteret.

« Ah ! c’est là une histoire bien simple ! une histoire que toutes les femmes savent par cœur. Revenir à celui qui vous a laissée, tenter de renouer des liens rompus, poursuivre l’être qui mourait de toutes les lassitudes de l’âme sur un cœur épuisé d’amour ; le poursuivre parce qu’il ose aller vivre ailleurs ; se régénérer, se