Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/324

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dans cette cabane, jonchée de paille comme une grange, la plus voluptueuse des filles de la terre, la plus accoutumée à toutes les opulences de la vie, l’enfant gâtée de la somptueuse duchesse de Cadaval-Aveïro, la femme aimée et épousée de cette espèce de Nabab anglais, sir Reginald Annesley, cette capricieuse, qui posait en riant ses pieds bruns sur le sein nu de sa superbe Oliva comme eût fait une sultane favorite avec son esclave, resta sur des gerbes sèches, entassées devant un feu de fagots, roulée dans la chaleur, la lumière et la cendre comme une salamandre, plus puissante et plus souveraine dans cette chaumière nue de poissonniers normands, que sur les divans de sa rue de Provence, dans les dentelles et les satins de ses alcôves ! Jamais je ne compris mieux que tout son charme ne relevait que d’elle seule ; jamais je ne compris mieux qu’elle métamorphosait la vie autour d’elle, comme elle la métamorphosait sur son visage rechigné, maussade, un peu dur, quand l’expression y circulait tout à coup, avec ses sourires et ses flammes, comme une ronde d’astres, éclos soudainement dans un ciel obscur, à quelque coup de tympan céleste ! Ah ! oui, la nuit vécue sur son cœur est indescriptible ! Dans ces moments qui passèrent en pétillant avec la rapidité de la flamme sur une ligne de poudre, je ne luttai