Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/329

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moi ! Mentir, marquise ?… Ah ! c’était bien assez cruel pour moi, assez humiliant pour l’honneur de votre petit-fils que de me taire ! Ceux qui aiment sont les vrais voyants ; on ne leur impose pas par des mensonges. Mentir, c’eût été une indignité en pure perte qui m’eût dégradé aux yeux d’Hermangarde comme aux miens, sans lui rendre le repos qu’elle avait perdu. Après cette nuit fatale au Bas-Hamet, l’incontestable réalité avait confirmé l’intuition du cœur. C’était pour Hermangarde le dernier coup d’un malheur achevé ! Elle pouvait en mourir ; elle a bien failli en mourir. L’enfant qu’elle portait dans son sein en est mort ! Mais elle, échappée à cette mort d’angoisse qui l’a frappée à moitié, elle redevenait cette fière et pudique Hermangarde élevée par vous, dont le sang est le vôtre, et qui sait, comme vous l’auriez su, à sa place, dévorer ses larmes, — car les femmes des races comme la vôtre, marquise, souffrent des blessures de leur cœur en silence, avec la simplicité héroïque que leurs aïeux mettaient à mourir.

« Et elle ne s’est pas démentie ! Elle n’a pas faibli sous les tenailles de ce supplice qui recommence tous les jours ! Voilà trois semaines qu’elle est revenue à la santé et qu’elle couvre, d’un front calme et des sourires les plus sublimes, des douleurs que je devine trop pour ne