Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/330

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pas les partager ! Elle est douce et belle comme une martyre, couchée sur des roses flamboyantes, dans un inextinguible bûcher… Mais la martyre n’a pas oublié la dignité de la femme offensée. Elle s’est reprise toute à moi, comme elle s’était donnée. Elle a mis entre nous des froideurs que je suis obligé de respecter et que j’admire, mais dont je souffre de toute la force de mon amour ! Ah ! chère mère, notre intimité est finie ! Le mariage n’a plus entre nous de signification divine ! Il n’est plus cette union profonde de deux cœurs transfondus, comme il l’a été pendant six mois ! Rien n’est changé, à ce qu’il semble, entre elle et moi, et cependant tout est changé ! Nous nous aimons toujours, mais dans cette vie que mes torts et ses sentiments outragés nous ont faite, l’amour n’est qu’un malheur de plus. Qu’est devenu ce vieux manoir de Carteret, ce nid d’Alcyon, que vous aviez placé dans la dot de votre fille pour en abriter le bonheur ? Il ne cache plus maintenant que des chagrins et des remords. Marquise, c’est moi qui suis le plus malheureux, puisque je suis le seul coupable. N’aurez-vous pas pitié de moi ?… Je vous dois tant, vous êtes si bonne ! vous m’avez montré, quand le monde était contre moi, une si intrépide confiance, que j’aurais rougi de ne pas vous tout avouer, de ne pas vous dire : « Voilà le mal que j’ai fait, pardon-