Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/333

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« Et maintenant, je vous ai tout dit, ma noble mère. Je me suis confessé à vous. J’ai agi avec vous comme l’Église catholique — cette source de toute vérité — ordonne qu’on agisse avec Dieu. N’avez-vous pas été le Dieu de ma vie par la bonté, par la confiance, qui est le beau rayon de la bonté parmi les hommes ? Je viens vous dire aussi comme à un confesseur : « Prenez la direction de ma vie ; c’est mon âme que je remets entre vos mains. Protégez-moi contre moi-même. Donnez-moi vos conseils, je les suivrai. Ce que vous exigerez, je le ferai, mon excellente mère ! Vous savez maintenant ce qu’est Vellini pour Ryno. Vous comprenez à présent ce que je vous ai dit, un soir, quelque temps avant mon mariage, lorsque je vous eus raconté mes dix ans de vie avec elle. Alors, je voulais m’éloigner et aller assez loin pour qu’elle ne pût pas me rejoindre. Je savais le charme inextricable de cet être exceptionnel qu’on aime et qu’on déteste, peut-être à force de trop l’aimer ! Je savais la pesanteur du passé sur mon âme. Oui, j’avais comme un pressentiment de ce qui devait suivre… Mais le bonheur d’être aimé d’Hermangarde l’étouffa dans mon cœur, réenvahi par toutes les crédulités de la jeunesse ! Eh bien, ce que je pensais à accomplir, je l’accomplirai. J’emporterai ma femme à l’autre bout du monde, pour n’être