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anxiétés de sa femme en lui confiant ses pressentiments, mais il se demandait si sa lettre (et il la regrettait !) n’avait pas déterminé une catastrophe dont, au fond du cœur, il ne doutait plus.

Ils quittèrent Carteret en grande hâte, trop préoccupés de l’état alarmant de leur grand’mère pour se détourner et jeter un dernier regard de regret sur cette côte où ils avaient été heureux. En quelques heures, le nid d’Alcyon abandonné redevint le manoir vide et solitaire, sur le toit gris duquel les vents de la mer chantaient, depuis si longtemps, leur longue chanson indifférente ! Les pressentiments que le billet de madame d’Artelles avait inspirés à Marigny ne le trompaient pas. Quand ils arrivèrent, sa femme et lui, rue de Varennes, l’excellente marquise n’existait plus. Madame d’Artelles avait épargné à Hermangarde la soudaineté d’un malheur que personne n’avait eu le temps de prévoir. Elle leur raconta, toute brisée de la perte d’une ancienne amie, qu’elle était morte dans son boudoir gris et rose, assise dans son fauteuil comme à l’ordinaire, — qu’elle s’y était éteinte, paisiblement, presque suavement, comme une lampe, après sa dernière goutte d’huile parfumée. Elle n’avait point souffert : elle s’était affaiblie. Jamais le mot : « Elle s’en est allée », pour : « Elle est morte », n’avait été plus