Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/354

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l’embrasure de la fenêtre ouverte. — La Charline ! apportez-nous une chopine de votre nouveau tonneau, — dit le mendiant, qui semblait être très au courant de toutes les futailles du Bas-Hamet, — et ma finguette ! — ajouta-t-il comme un homme qui se cave de grosses dépenses, — si vous avez un peu de sauticot[1] et un morceau de choine[2] pour mettre avec, baillez-les ! car la brise du soir et la marche nous ont affilé l’appétit, et ce n’est pas tous les jours la veille de la Saint-Jean.

— Va pour le sauticot et le cidre ! — fit Griffon, — mais je veux payer mon écot aussi, comme mon confrère de la besace. Vous avez là de la friture qui sent bon, mère Charline ! donnez-nous-en avec une brave bouteille de ce gin qui a fait la nique aux habits verts[3], et qu’il y en ait pour le camarade Capelin et pour votre homme, quand il va revenir de la marée ; car c’est un vieux matelot comme moi que le père Bas-Hamet, et j’nous sommes rencontrés aux Indes dans un temps où j’n’avions froid ni aux yeux, ni au bout des doigts, mille pavillons ! »

La seconde des infantes de ce cabaret de

  1. Espèce de crevette bâtarde (expression populaire).
  2. Comme choine pour pain blanc, pain de choix, probablement.
  3. Les douaniers.