Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/356

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Gn’y a p’us personne aux Eaux de la Taille, si ce n’est de vieux ladres qui marchandent jusqu’à leurs œufs, et le manoir de Carteret est vide ainsi que le château de la Haie d’Hectot.

— Est-ce que les maîtres ne reviendront pas à Carteret ? — dit Charline.

— Gn’y a pas d’apparence, — répondit Griffon.

— Ah ! — reprit Capelin d’un air d’importance, — la belle jeune dame ne s’y plaisait plus. Elle s’y ennuyait. Elle en a fait une maladie. Depuis la mort de la marquise, il y avait de la brouille dans le jeune ménage. Ils ont beau avoir du poisson frais sur leurs tables, les grandes gens ne sont pas toujours heureux.

— Oh ! par exemple, vous vous trompez joliment, père Capelin, — fit de sa voix fraîche la brune Bonine, qui repassait des coiffes sur une table à part, au fond du cabaret, et qui approcha son fer à repasser, bleu et lisse comme l’acier, de sa joue ronde et écarlate. — J’ai vu souvent madame de Marigny à la messe à Carteret, et je puis assurer qu’elle avait l’air bien heureux.

— Oui, oui, — dit Capelin, comme un homme parfaitement sûr de ses informations, — dans les commencements, mais pas sur les fins ! Il paraît qu’il y a eu entre les mariés des affaires que personne ne sait et ne connaît…