Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/362

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Tous nos soupeurs, qui sirotaient leur gin, se mirent à rire à l’explosion retentissante de la colère maternelle de Charline. Sans doute, ils étaient accoutumés aux cris perçants de cette glotte d’acier qui avait les vibrations d’un gong chinois, car ils continuèrent de rigoler et de boire, pendant que le dominateur de la situation, le pêcheur de crabes, répliquait avec une insouciante tranquillité :

— « V’là b’en du bruit pour rien, mère Bas-Hamet ! mais des paroles, comme on dit, ne sont pas des raisons ! Vous avez p’t-être les vôtres pour ne pas parler de c’tte coureuse de Mauricaude, qui est partie sans qu’on sût même d’où elle venait. Mais, t’nez ! demandez à votre voisine, la petite veuve Montmartin, si elle n’a pas vu, toutes les nuits, le cheval noir de M. de Marigny attaché à la porte à côté, pendant que vous dormiez, vous, votre homme et vos filles, sans vous douter du maudit sabbat que la Mauricaude faisait dans votre grange avec son ancien amoureux ! Les fers du cheval — qui s’amusait moins que le maître, et qui piaffait en l’attendant, — ne faisaient pas grand bruit sur la litière de varech étendue à votre porte. Mais la Montmartin, qui depuis la mort de feu son homme, pris sous sa charrette, ne dormait pas, et se relevait la nuit pour rallumer son