Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/363

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grasset[1], a vu, elle, plus d’une fois, M. de Marigny, et elle en a été si saisie qu’elle me le dit dans le temps et qu’elle ne l’aura pas oublié ! »

La Charline se taisait. Au fond, elle était friande de commérages. Qu’on ne s’y trompe pas ! Elle n’avait défendu l’Espagnole que pour couvrir Bonine attaquée. Mais elle ne haïssait pas les détails donnés par Capelin, et elle les écoutait avec un plaisir d’autant plus profond qu’elle le cachait.

— « Enfin, — dit le pêcheur de crabes, comme un orateur qui garderait la meilleure de ses preuves pour la dernière, — me nierez-vous aussi ce que j’ai vu moi-même, la mère ! et mieux que je ne vous vois, car la nuit tombe et il ne fait pas mal noir cheuz vous ? Les mauvais propos sont les mauvais propos. Mais il ne s’agit plus de la langue des autres. C’est moi, Capelin, assis à cette table, aussi vrai que je s’is vivant et que Dieu est Dieu, qui ai rencontré cet hiver M. de Marigny revenant du Bas-Hamet. Certes ! il n’en r’venait pas, à cette heure-là et dans cette saison-là, comme on dit, pour des prunes ; car il faisait un temps terrible, qu’on n’eût pas mis un chien dehors, et

  1. Petite lampe à bec, qu’on attache par un crochet à la muraille et qui contient de l’huile en réserve dans un double fond.