Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/366

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et Bonine étaient domptées par cette histoire, racontée avec une impression sincère. La nuit était enfin venue. Par la fenêtre ouverte, on voyait des lueurs de lune qui se jouaient dans le houx de la Butte, mais le profil de la maison projetait son ombre sur le varech. L’intérieur du cabaret plongeait dans l’obscurité. Il n’y rayonnait plus qu’un peu de braise dans l’âtre, et le feu de charbon qui chauffait les fers de Bonine. Superstitieux comme ils l’étaient tous, sur cette côte d’où le merveilleux ne s’est pas envolé encore, ils restaient sous l’empire du récit passionné de Capelin. La pauvre Bonine était la plus troublée. Elle sentait ses bagues tortiller autour de ses doigts comme de petites et sibilantes vipères, à la langue de flamme, et elle tremblait de s’être trop attachée à quelque favorite de Satan.

— « Eh bien, — dit Charline, qui était au fond une virago de cœur et de courage, — que le diable y fût ou n’y fût pas pour quelque chose, ce n’était pas, après tout, une mauvaise créature que la Mauricaude ! Elle avait ses idées et ses nivelleries[1], mais toutes les grandes gens ont les leurs. Si elle a fait de la peine à madame de Marigny, c’est un malheur, oui ! et je

  1. Mot patois, — synonyme à manies et à bagatelles, tout ensemble.