Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/365

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b’en qu’au fond de son cœur il n’en était pas plus content qu’il ne fallait et qu’il eût souhaité que je fusse à cent lieues de là… I’ne s’arrêta pas, et quand j’fus passé je le regardai qui filait, comme s’il y avait eu un diable assis sur la croupe de son cheval. C’tte Mauricaude, c’tte Caroline, le temps, la male heure qu’il était, tout me faisait venir des idées étranges à la tête… Pour se promener dans les grèves par ce froid de loup, quand on était riche comme M. de Marigny et qu’on n’avait pas sa pitance à gagner comme mai, et, par-dessus tout, pour quitter, à une pareille heure, une femme comme la sienne, la perle des femmes, qu’on n’en a jamais vu une pareille dans tout le pays ! il fallait bien que le diable s’en mêlât, et toutes les histoires des lavoirs me revinrent. Il s’en est tellement mêlé, Dieu m’ait en aide ! que pas plus tard que le lendemain, — j’ai marqué ça dans ma mémoire et par une entaille sur le manche du couteau que v’là, — la pauvre madame de Marigny était à la mort et qu’elle n’a jamais repris, depuis c’tte époque, la joie de ses yeux et les couleurs de la santé ! »

Et il frappa de son couteau — ce couteau, monument dont il invoquait le témoignage, — sur la table devant laquelle il était assis. Quand il se tut, il y eut un moment de silence : la Charline