Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/382

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conjugal, comme en politique, y a-t-il autre chose que le résultat ? Et le résultat, comme pour les empires, n’est-il pas de briller et de durer ? Eh bien, voilà l’œuvre de cette Vellini que vous méprisez si fort, comtesse ! Nous serions au temps d’Éléonora Galigaï, dont elle a bien quelque chose, avec sa maigreur de brûlée et le feu cabalistique de ses yeux noirs, qu’on pourrait, ma foi ! très bien croire qu’elle a passé quelque pacte avec le Démon. Heureusement, nous sommes au xixe siècle ; et d’ailleurs, l’âme de Marigny ne ressemble guères à celle de la faible Marie de Médicis. Vous le dites vous-même : c’est avec les femmes un homme bien plus gouvernant que gouverné, de manière que… de manière que… on doit conclure que le Démon, c’est elle, en personne, avec tout son cortège de tentations ! »

Et il se tut, pensant à ces tentations dont il parlait, et que lui, le vieux épuisé des orgies du Directoire, avait parfois senties, comme des petites langues de feu, frétiller dans les veines de son sang croupi… Il poussait sa joue avec sa langue, ce tic qui lui était familier, et il rêvassait… Les idées, sans traduction possible, qui avaient souvent hanté son cervelet très corrompu, s’entrelacèrent dans sa pensée et y tournèrent, en se tenant par la main, comme les douze belles Heures du Guide, auxquelles