Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/383

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elles ne ressemblaient pas. Ses distractions l’emportaient… on ne savait où ! Où se croyait-il ? Il ressemblait, dans son fauteuil, au duc de Brancas, le Ménalque de La Bruyère, étalé dans son fossé comme dans son carrosse, et s’y regardant trotter, sans bouger de la fondrière. Madame d’Artelles, la Validé de sa vie, qui n’avait pas perdu l’habitude de lire dans le parchemin de cette âme qui pouvait encore grésiller sur les réchauds du vice, pour peu qu’ils fussent bien allumés, fut piquée sans doute de voir son ancien cavalier-servant s’abandonner près d’elle à des distractions malséantes. Elle lui rendit piqûre pour piqûre. Avec cette malice de pensionnaire, originelle à la femme, et qu’on retrouve sous la peau de la plus majestueuse, quand on la gratte bien, elle prit son aiguille à filet et elle darda le genou de l’antique muscadin de toute sa force. Féroce plaisanterie, qui était tout ensemble une petite vengeance et une leçon.

— « Est-ce que vous dormez, monsieur de Prosny ? » fit-elle, hypocrite comme on ne l’est pas.

Il sauta comme une grenouille qu’on galvanise, malgré ses gouttes et le poids de sa digestion.

— « Diable ! — s’écria-t-il, — mais non, comtesse, je ne dormais pas. Vertu de femme !