Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/39

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reprit madame d’Artelles. — Est-ce de cette Vellini, cette lettre ? Ensuite, fût-ce d’elle : je l’ai vue ; nous lui faisons trop d’honneur de trembler ainsi au premier signe de sa très maigre main. Qu’est-ce qu’une lettre, après tout ? M. de Marigny, qui a vaincu, à force d’amour, ma longue incrédulité à son amour, a bien vite et bien profondément oublié ici, dans les quatre murs de ce château où nous n’avons vu personne depuis bientôt cinq mois, et le monde de Paris, dont il semblait l’esclave, et ses amis de club, et ses mauvaises habitudes de libertin, et sa passion du jeu, plus forte et plus asservissante que le reste. En vérité, nous ne pouvons décemment perdre la tête à la première lettre qu’une femme quittée lui écrit ! Si c’était à Paris, encore ! En train de craindre une fois, on pourrait s’effrayer d’une recherche ou d’une rencontre ; mais ici, à cent lieues de distance ! Ici, dans ce pays perdu, où Marigny est déterminé à passer l’hiver ! Enfin, ne le savez-vous pas, ma chère ? Pour un homme, qu’est-ce qu’une lettre ? Les meilleurs, en amour, ont besoin de la présence réelle. Avec cela que je ne crois pas — ajouta-t-elle — qu’une femme de l’espèce de cette Vellini écrive jamais comme la Religieuse Portugaise ! »

La marquise disait bien oui à toutes ces choses, mais, elle ne l’avouait pas à son amie,