Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il y avait en elle un murmure, sous le calme revenu et retenu à l’ivoire sillonné de son front. Elle avait posé la lettre en question sur le guéridon, à côté d’elle, mais elle ne pouvait s’empêcher de la reprendre parfois et de la regarder encore. Ses yeux affaiblis n’en pouvaient plus voir l’écriture. Le soleil tombe vite en cette saison. Il venait de disparaître sous un banc de brumes. L’ombre prit soudainement le salon, dont les meubles et les tentures se foncèrent. La comtesse d’Artelles laissa son ouvrage et vint à la vitre une seconde fois. La mer montait toujours, et le havre, submergé, se confondait dans la nappe d’eau verte qui gagnait au loin, frangée d’écume, le long des grèves.

— « Je vous annonce — dit-elle — M. de Marigny et sa femme. Les voilà qui descendent de barque au pied du mur de la grande cour. Vous avez eu raison, ma chère amie ; ils auront trouvé le pont couvert. »

Cinq minutes après, ils entraient dans le salon où les attendaient madame d’Artelles et la marquise, ne se doutant pas qu’il venait d’être question d’eux et qu’ils étaient l’objet d’une nouvelle inquiétude de la part de ces deux femmes, providents témoins de leur vie, qu’à une vigilance si vite alarmée ils auraient pu appeler les sentinelles de leur bonheur.