Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/73

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dans une natte. — Quel miracle est-ce donc que j’aie voulu voir de mes yeux celle qui allait devenir la femme légitime, comme vous dites, vous autres, de Ryno de Marigny ?… Si on me tuait jamais, vicomte, avant de mourir je regarderais mon bourreau. »

« Elle dit cela, je ne sais comment. Elle a la voix très grave. Fut-ce une erreur ? mais je crus qu’elle s’estimait parfaitement tuée depuis qu’elle avait vu Hermangarde.

« — Et comment la trouvez-vous ? — ajoutai-je, voulant au moins la galvaniser.

« — Elle ! — répondit-elle avec un accent de justice et de vérité qui me renversa. — Ah ! très belle ! Oui, très belle ; plus belle encore que ne l’était ma mère, qui était bien pourtant tout ce que j’aie jamais connu de plus beau. »

« Vous m’avez quelquefois reproché mon air ébahi, ma chère comtesse, et probablement il me revint, car elle me regarda. Comme je me taisais :

« — Cela vous étonne donc beaucoup, ce que je vous dis là ? » ajouta-t-elle. En effet, cette absence de toute ombre de jalousie ou de dépit me confondait encore plus que la première fois, quand je lui avais parlé du mariage arrêté de Marigny. Alors ce pouvait être une ruse ; rien n’était irrévocable encore. Mais à