Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/77

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ciais, Cérisy entra, l’air heureux de cette grâce d’accepter à dîner qu’elle ne lui octroie pas tous les jours. Malgré son air de grand flandrin, Cérisy est un homme de qualité et d’esprit. Il jette sa gourme dans quelques folies, mais après tout, il ne faut pas que les jeunes gens nous détroussent trop tôt de notre sagesse. Qu’est-ce qui nous resterait pour nous faire respecter de ces gaillards-là ?… Il joignit ses instances à celles de la señora, mais je suis fidèle à mes amis et à mes habitudes, et je persistai dans mon refus.

« — Que je ne vous retienne pas, » — leur dis-je, et je me levai. Oliva prit sur une encoignure un magnifique flambeau de bronze sculpté, à trois branches, appuyé sur trois monstrueuses griffes de lion, et elle en présenta la triple flamme ondoyante au cigarro de sa maîtresse. Il y a bien dix ans que je vais chez la Vellini, et de nuit ou de jour, quelle que soit la saison ou l’heure, j’ai toujours vu ce flambeau allumé et brûlant. Les uns affirment que c’est un emblème, une des superstitions de cette tête étrange ; les autres disent simplement que la señora, qui fume, comme toutes les femmes de son pays, veut avoir du feu toujours prêt sous sa main.

« Nous descendîmes tous les trois. Une calèche à quatre chevaux nous attendait.