Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou de la fausseté de ses relations avec la comtesse de Mendoze, qui était bien réellement et assez ridiculement à Saint-Thomas d’Aquin, le jour du mariage, si vous vous le rappelez. On n’est donc pas moins renseigné que moi. On n’est donc pas dans une anxiété plus grande. Comptez cela aussi pour les trois quarts de ma paresse à vous écrire. Je m’attendais presque à vous décocher le fameux billet historique : Prenez garde à vous, le diable est déchaîné ! mais le diable ne se déchaîne point. Je suis retourné plusieurs fois chez la Malagaise. Je l’ai toujours vue, son cigarro aux lèvres, fumant tranquillement comme un volcan qui n’éclate jamais, se berçant dans son hamac pendu au plafond, enveloppée dans un calme impénétrable et railleur ; mais le tigre est calme aussi et même somnolent jusqu’à ce qu’il bondisse, et son premier bond tombe si juste qu’il n’a pas besoin de le recommencer. La señora imitera-t-elle cette aimable bête avec laquelle elle a peut-être plus d’un rapport de ressemblance ? Ne fera-t-elle qu’un coup de dent du friand bonheur d’Hermangarde ? Moi, je tiens pour les parieurs qui le croient. N’allez pas vous moquer de mon astrologie judiciaire ! C’est de l’expérience. Je ne suis pas un moraliste bien foncé, mais il y a cinquante ans que je repasse l’alphabet de la nature humaine, et je m’imagine qu’une femme comme cette