Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/88

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chait le mot de l’énigme, illisible et non pas indistinct. « Il y a plus difficile que de conquérir, — pensait-elle, — c’est de garder sa conquête. Pour les femmes, c’est le grand problème ! » Et elle, qui avait cherché peut-être cette quadrature du cercle du cœur, sans la trouver jamais, se demandait si Vellini n’avait pas, à son insu, le génie qu’il fallait pour la découvrir sans chercher ; pour dompter l’indomptable chimère dont le dos ailé tenta toute femme dans sa jeunesse… Alors la peur la prenait pour Hermangarde et elle rouvrait les yeux en sursaut. Mais ce qu’elle retrouvait devant elle chassait sa terreur comme un mauvais songe. N’y étaient-ils pas tous les deux ? Ils y étaient, l’un à côté de l’autre, tantôt ici et tantôt là, mais exprimant l’amour de leurs âmes dans leurs gestes et dans leurs regards. Parfois oisifs, ils se contentaient d’une main prise, d’un échange de pensées et d’accablantes délices par les yeux. D’autres fois, Marigny (l’auraient-ils cru, ses amis de Paris, qui l’appelaient le fier Sicambre ?) ce Marigny dont l’intimité avec Vellini — madame de Flers le savait — avait été une longue bataille, renouvelant la fable si vraie d’Hercule filant aux pieds d’Omphale, tendait ses poignets à l’écheveau de soie d’Hermangarde, qui le dévidait en le brouillant à dessein, pour sentir plus longtemps l’haleine du dieu de sa vie