Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/95

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dit à son tour Hermangarde, en relevant son visage ému, — nulle femme ne peut se vanter d’une telle puissance, s’envelopper l’âme dans une si douce sécurité. Si j’ai pâli tout à l’heure, c’est à cela que je songeais… Je pensais à cette infortunée madame de Mendoze, dont la pensée m’a toujours suivie, depuis un soir…

— Quel soir ? Et qui vous a dit — fit la marquise — que Marigny ait aimé madame de Mendoze ?

— Oh ! mère, — répondit Hermangarde, — ce n’est personne, et c’est tout le monde. Les oreilles des jeunes filles voient et leurs yeux entendent. Dans ces quelques soirées où vous m’avez conduite avant d’être mariée, j’ai surpris, sans avoir besoin de faire une question, tout ce qu’on reprochait à madame de Mendoze, tout ce qu’on disait d’elle et de Ryno. Je ne savais pas ce que c’était qu’aimer alors… Je trouvais bien extraordinaire ce que j’entendais chuchoter sur M. de Marigny, dont les femmes parlaient comme d’un démon ; je n’avais pas l’air de comprendre, mais je me demandais de quels moyens usaient les hommes pour se faire aimer, comme on disait qu’il était aimé de madame de Mendoze, malgré l’éclat de l’abandon qu’il en avait fait ? J’observais profondément cette femme partout où je la rencontrais. Mon Dieu ! que j’avais pitié