Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/96

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d’elle ! Elle qui avait été si jolie était méconnaissable. On la disait mourante. Je ne pouvais lui montrer l’intérêt que je lui portais au fond de mon âme. Il y avait des moments où l’envie me prenait, la voyant si malheureuse, de traverser le salon où j’étais et d’aller l’embrasser, devant tout le monde, comme on embrasse une sœur. Quand on l’accusait, j’étais toujours tentée de la défendre ; je ne savais comment l’avertir de la sympathie que j’avais pour elle. Ne vivant que dans une pensée et dans une souffrance, elle ne se doutait pas de ce qui s’élevait pour elle dans mon cœur. Un jour, comme nous sortions de chez madame de Bruck, je lui mis sa pelisse sur les épaules, et je ne pus m’empêcher de lui baiser la main. Heureusement le vestibule était sombre ; vous ne me vîtes pas et personne ne me vit, mais moi, je vis bien, dans les ombres, les yeux qu’elle fixa sur les miens, étonnés, attendris, confondus ! Quelque temps après, je la rencontrai chez madame de Valbreuse ; elle fut sur le point de s’évanouir et le sang faillit l’étouffer et monta à ses lèvres quand on annonça M. de Marigny. Lui, je ne l’avais pas vu encore, mais alors je compris… »

Elle s’arrêta.

— « Que compris-tu, ma pauvre enfant ? — reprit la marquise.