Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/43

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et de sollicitudes n’aient abouti qu’à une chronique timorée, sans le dessous de cartes de l’histoire ? C’est l’explication historique qui manque à Brummell. Il a encore des admirateurs comme l’épigrammatique Cecil, des curieux comme M. Jesse, des ennemis… on ne cite personne. Mais parmi ses contemporains restés debout, parmi les pédants de tous les âges, honnêtes gens qui ont à l’esprit les deux bras gauches que Rivarol donnait à toutes les Anglaises, il en est qui s’indignent de bonne foi contre l’éclat attaché au nom de Brummell : lourdauds de moralité grave, cette gloire de la frivolité les insulte. Seul, l’historien, c’est-à-dire le juge, ― le juge sans enthousiasme et sans haine, ― n’a point encore paru pour le grand Dandy, et chaque jour qui passe est un empêchement pour qu’il naisse. On a dit pourquoi. S’il ne vient pas, la gloire aura été pour Brummell un miroir de plus. Vivant, elle l’aura réfléchi dans l’étincelante pureté de sa fragile surface ; mais, ― comme les miroirs, quand il n’y a plus là personne, ― mort, elle n’en aura rien gardé.