Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/60

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mêlait encore à la foule des danseurs dans ces bals où les mains les plus belles restaient oisives en attendant la sienne. Plus tard, enivré de la position exceptionnelle qu’il s’était faite, il renonça à ce rôle de danseur, trop vulgaire pour lui. Il restait seulement quelques minutes à l’entrée d’un bal ; il le parcourait d’un regard, le jugeait d’un mot, et disparaissait, appliquant ainsi le fameux principe du Dandysme : « Dans le monde, tout le temps que vous n’avez pas produit d’effet, restez : si l’effet est produit, allez-vous-en. » Il connaissait son foudroyant prestige. Pour lui, l’effet n’était plus une question de temps.

Avec cet éclat dans sa vie, cette souveraineté sur l’opinion, cette grande jeunesse qui augmente la gloire, et cet aspect charmant et cruel que les femmes maudissent et adorent, pas de doute qu’il n’ait inspiré bien des passions en sens contraire, ― des amours profonds, d’inexorables haines ; mais rien de cela n’a transpiré[1]. Le cant a étouffé le cri des

  1. On a parlé de lady J....y qu’il aurait soufflée au Régent, comme on dit avec une légèreté digne de la chose. Mais lady J....y est restée son amie, et les amours finissant en amitiés sont plus chimériques que les belles femmes finissant en queue de poisson. Il y a un beau coup de hache donné de main de poète dans les illusions