Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/71

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chose difficile, ― une société horriblement blasée, savante, en proie à toutes les fatigues, par l’émotion, des vieilles civilisations, ― et, pour cela, il ne sacrifiait pas une ligne de sa dignité personnelle. On respectait jusqu’à ses caprices. Ni Etherege, ni Cibber, ni Congreve, ni Vanburgh, ne pouvaient introduire un tel personnage dans leurs comédies, car le ridicule ne l’atteignait jamais. Il ne l’eût pas esquivé à force de tact, bravé à force d’aplomb, qu’il s’en fût garanti à force d’esprit, ― bouclier qui avait un dard à son centre et qui changeait la défense en agression. Ici on comprendra mieux peut-être. Les plus durs à sentir la grâce qui glisse sentent la force qui appuie, et l’empire de Brummell sur son époque paraîtra moins fabuleux, moins inexplicable, quand on saura ce qu’on ne sait pas assez, quelle force de raillerie il avait. L’Ironie est un génie qui dispense de tous les autres. Elle

    effet, quelque chose de trop actif et de trop direct pour qu’un Dandy soit parfaitement aimable. Un Dandy n’a jamais la recherche et l’anxiété de quoi que ce soit. Si donc l’on a pu se risque à dire que Brummell fut aimable à certains soirs, c’est que la coquetterie des hommes puissants peut être très médiocre et paraître irrésistible. Ils sont comme les jolies femmes à qui l’on sait gré de tout (quand on est homme toutefois).