Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/72

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jette sur un homme l’air de sphinx qui préoccupe comme un mystère et qui inquiète comme un danger[1]. Or, Brummell la possédait et s’en servait de manière à transir tous les amours-propres, même en les caressant, et à redoubler les mille intérêts d’une conversation supérieure par la peur des vanités, qui ne donne pas d’esprit, mais qui l’anime dans ceux qui en ont et fait circuler plus vite le sang de ceux qui n’en ont pas. C’est le génie de l’Ironie qui le rendit le plus grand mystificateur que l’Angleterre ait jamais eu. « Il n’y avait pas, dit l’auteur de Granby, de gardien de ménagerie plus habile à montrer l’adresse d’un singe qu’il ne l’était à montrer le côté grotesque caché plus ou moins dans tout homme ; son talent était sans égal pour manier sa victime et pour lui faire exposer elle-même ses ridicules sous le meilleur point de vue possible. » Plaisir, si l’on veut, quelque peu féroce ; mais le Dandysme est le produit d’une société qui s’ennuie, et s’ennuyer ne rend pas bon.

  1. « Vous êtes un palais dans un labyrinthe », écrivait une femme impatientée de regarder sans voir et de chercher sans découvrir. Elle ne se doutait pas qu’elle exprimait là un principe de Dandysme. À la vérité, n’est pas palais qui veut, mais on peut toujours être labyrinthe.