Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/84

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concentré sur sa personne n’était pas épuisé. L’enthousiasme ne se détournait pas de lui. En 1812, en 1813, il était plus puissant que jamais, malgré les échecs que le jeu avait faits à sa fortune matérielle, la base de son élégance. En effet, il était fort grand joueur. On n’a pas besoin d’examiner s’il avait trouvé dans son organisme ou dans les tendances de la société qu’il voyait cette audace de l’inconnu et cette soif d’aventures qui font les joueurs et les pirates ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que la société anglaise est encore plus avide d’émotions que de guinées, et qu’on ne domine une société qu’en épousant ses passions. Outre les pertes au jeu, une autre raison, à ce qu’il semble, pour que Brummell déclinât, c’était sa brouillerie avec le Prince qui l’avait aimé et qui avait été, pour ainsi dire, le seul courtisan de leurs relations. Le Régent commençait à vieillir. L’embonpoint, ce polype qui saisit la beauté et la tue lentement dans ses molles étreintes, l’embonpoint l’avait pris, et Brummell, avec son implacable plaisanterie et cet orgueil de tigre que le succès inspire aux cœurs, s’était quelquefois moqué des efforts de coquette impuissante à réparer les dégâts du temps qui compromettaient le Prince de Galles. Comme il y avait à Carlton-House