Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/85

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un concierge d’une monstrueuse corpulence qu’on avait surnommé Big-Ben (le Gros-Ben), Brummell avait déplacé le surnom du valet au maître. Il appelait aussi madame Fitz-Herbert Benina. Ces audacieuses dérisions ne pouvaient manquer de pénétrer jusqu’au fond de ces âmes vaniteuses, et madame Fitz-Herbert ne fut pas le seule des femmes qui entouraient le Prince héréditaire à s’offenser des familiarités de l’ironie de Brummell. Telle fut, pour le dire en passant, la cause réelle de la disgrâce qui frappa soudainement le grand Dandy. L’histoire de la sonnette, racontée d’abord pour l’expliquer, est apocryphe, à ce qu’il paraît[1]. M. Jesse ne s’appuie pas seulement pour la repousser sur la dénégation de Brummell, mais encore sur la vulgaire impudence (the vulgar impudence) qu’elle révèle, et il a raison ; car l’impudence était bien souvent dans le Dandy, mais la vulgarité n’y était jamais. Un fait d’ailleurs isolé, quelque expressif qu’il soit, ne vaut pas en gravité, pour

  1. Voici l’histoire. Brummell aurait un soir, à souper, et pour gagner le plus irrespectueux pari, donné cet ordre au prince de Galles : « Georges, sonnez ! » en lui montrant la sonnette. Le prince, qui eût obéi, aurait dit au domestique qui entra, en lui désignant Brummell : « Menez à son lit cet ivrogne. »