Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se fût pas plongé au plus épais du jeu et des paris qu’on y tenait. À la vérité, il n’était ni plus ni moins joueur que tous ceux qui s’agitaient dans ce charmant Pandémonium où l’on perdait des sommes immenses avec l’indifférence parfaite qui, dans ces occasions, était pour les Dandys ce qu’était la grâce pour les gladiateurs tombant au Cirque. Beaucoup, ― ni plus ni moins que lui, ― éprouvèrent dans tous les sens la chance commune ; mais beaucoup aussi purent l’affronter plus longtemps. Quoique habile à force de sang-froid et d’habitude, il ne pouvait rien contre le hasard qui devait mater le bonheur de sa vie par la pauvreté de ses derniers jours. En 1814, les étrangers arrivés à Londres, les officiers russes et prussiens des armées d’Alexandre et de Blücher, redoublèrent la conflagration du jeu parmi les Anglais. Ce fut pour Brummell le moment terrible du désastre. Il y avait dans sa gloire et dans sa position un côté aléatoire par lequel l’une et l’autre devaient s’écrouler. Comme tous les joueurs, il s’acharna contre le sort et fut vaincu. Il eut recours aux usuriers et s’engouffra dans les emprunts : on a dit même, avec sa dignité ; mais rien de précis n’a été articulé à cet égard. Ce qui aurait pu autoriser quelques bruits peut-être, c’est qu’il