Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/132

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rapportait de l’argent à la ville. Puis c’était là une coutume autant qu’un péage. Coutume et péage, toute la Normandie tient dans ces deux mots ! Les Bleus virent qu’ils ne seraient pas les plus forts…. Ils avaient dégagé la prison.

Cette prison, monsieur de Fierdrap, nos douze blatiers eurent tout le temps de la regarder et de l’étudier en gens de guerre, de la place du marché qu’elle dominait, et qui était alors couverte de tentes, rangées en file comme les maisons des rues, entre lesquelles s’agitait et écumait le flot de la population foraine, aux rayons d’un soleil cuisant, qui était aussi un avantage, car il faisait bouillir ce tas de cerveaux, excités déjà par le débat des prix et le cidre en bouteille, qui allument si bien les têtes normandes, ces têtes que, ce jour-là précisément, il fallait faire sauter comme des poudrières, si on voulait enlever Des Touches ! Là étaient, en effet, tout le secret et le moyen de l’enlèvement. Jeter, n’importe comment, toute cette multitude, les uns contre les autres, à travers les tentes renversées et les animaux fous d’épouvante ! Et, pendant cette immense ruée qui pouvait prendre les proportions d’une bataille d’aveugles et devenir une tuerie, se glisser à trois ou quatre dans la prison, y délivrer le chevalier et se replier vive-