Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/143

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ne dit mot, il resta tranquille comme Baptiste ; mais il releva subitement son bâton à bras tendu par-dessus sa tête, et de cette main qu’il avait aussi adroite que vigoureuse, il l’abattit sur toute cette ligne de verres pleins, en file, qu’il cassa d’un seul coup, et dont les morceaux volèrent de tous les côtés dans la tente. Ce fut le signal du branle-bas. Tout le monde fut debout, criant, menaçant, mêlé déjà, les pieds dans le cidre, qui coulait, en attendant le sang. Les femmes poussaient ces cris aigus qui enivrent de colère les hommes et leur prennent sur les nerfs comme des fifres… Elles voulaient fuir et ne pouvaient, dans cette masse impossible à percer, et qui se ruait sur les deux blatiers pour les étouffer.

— Vous avez eu l’honneur du premier coup d’archet, monsieur ? — dit à Juste Le Breton M. de la Varesnerie, avec cette élégante politesse qui ne le quitta jamais, — mais si nous voulons exécuter tout le morceau, il faut que nous tâchions de sortir de cette tente, où nous n’avons pas assez d’espace pour faire seulement, avec nos bâtons, un moulinet.

Et de leurs épaules, de leurs têtes et de leurs poitrines, ils essayèrent de trouer cette foule, compacte à crever les toiles de la tente, où ce qui venait de se passer faisait accourir du monde encore. Mais cette marée d’hommes