Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/154

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qu’ils maniaient en maîtres. Et, marchant au pas, ils s’avancèrent à travers cette foule qui se dépaississait, distraite par le feu, culbutée et broyée par les bœufs qui couraient çà et là comme une tempête fauve, et c’est ainsi qu’ils purent enfin quitter, sans avoir perdu un seul homme, cette place où, depuis trois heures, ils avaient du sang jusqu’au jarret, et où, comme nous le dit Le Planquais, quelques jours plus tard, « ils avaient battu le beurre, à pleine baratte, comme on sait le battre dans le Cotentin ! »

— Sais-tu bien que c’est aussi beau que Fontenoy, cela, Fierdrap ?… fit l’abbé profondément pensif, pendant que sa bouillante sœur, dont la tête devait fumer sous son baril violet et orange, respirait.

— C’est même plus beau ! dit le baron. Leur petit carré n’a pas été enfoncé, à eux, à ces Onze ! Et ce sont eux, au contraire, qui ont enfoncé le grand carré des paysans, qui les tenaient de tête, de queue et des deux flancs, et qui l’ont enfoncé avec de simples fouets pour toutes pièces de canon. Le diable m’emporte ! c’est plus beau !

L’héroïne de la chouannerie s’associait tellement à ses compagnons d’armes, même pour les batailles où elle n’était pas, qu’elle sourit aimablement au vieux hulan pour le remercier de son opinion, et elle reprit :