Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/186

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— Cela l’étonnerait un peu si d’une balle on lui cassait sa cuvette au rez de la main, » fit Cantilly, très-fort au pistolet, qui jetait en l’air une paire de gants et la perçait d’une balle avant qu’elle ne fût retombée.

Nous rîmes et nous passâmes, oubliant la bonne femme, en tournant le coin de la rue et en nous trouvant nez à nez avec la guillotine, droite et menaçante devant nous, attendant son homme… Embuscade funèbre ! C’était la place des exécutions. La prison n’était pas loin de là. Nous descendîmes, comme des gens qui dévalent à l’abîme, cette rue qui va de la prison à la place de l’échafaud, et qu’on appelle dans toute ville la rue Monte-à-Regret, cette rue qu’il nous fallait empêcher Des Touches de monter le lendemain. La prison blanchissait au bout de cette espèce de boyau sombre, sur une autre place. Nous nous arrêtâmes… le temps de respirer…

Elle contait comme quelqu’un qui a vécu de la vie de son conte. L’abbé et le baron, eux, ne respiraient plus.

— Ah ! c’était le moment ! fit-elle ; le moment terrible où l’on va casser le vitrage et où l’on serait perdu si, en le brisant, une seule vitre allait faire du bruit… La sentinelle, dans sa houppelande bleue, se promenait nonchalamment, son fusil penché dans l’angle de son