Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/200

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Elle portait un vieil et grand intérêt à ce Couyart, qui croyait aux revenants comme elle, et qui l’entretenait perpétuellement, lorsqu’il venait remonter le Bacchus d’or moulu, de tous ceux qu’il voyait partout, car cela lui était habituel, à ce brave homme. Il ne pouvait sortir même dans sa cour pour ce que vous savez, sans en voir ! C’était un homme timide, scrupuleux, au parler doux, qui parlait comme il marchait, dans des chaussons de velours de laine qu’il portait toujours, par respect pour le glacis du parquet des salons dont il remontait les pendules. Il était délicat et nerveux ; blanc de visage comme une vieille femme, et, quoique chauve du front et du crâne, coiffé assez drôlement à la Titus d’un reste de cheveux sur l’occiput et sur les oreilles, qu’il poudrait par l’unique raison que c’était la mode des gens comme il faut, avant cette malheureuse révolution… Il avait, disait-il, toujours été aristocrate. Avec ses pratiques, et c’était toute la noblesse de Valognes, il était de cette timidité qui flatte les princes, quand un homme ne sait plus trouver ses mots devant eux. Exquise flatterie ! Elle lui était naturelle.

Il coupotait ses phrases des hem ! hem ! de l’embarras, et les commençait par des or donc impossibles ; ce qui prouvait que les rouages de la mécanique ne donnent pas les habitudes