Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/228

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J’irai me faire tuer quelque part, et cette côte-ci n’entendra plus parler de Des Touches ! »

Nous lui renvoyâmes son adieu.

— Il est temps de partir, fit-il, voici le reflux. »

Il cessa de maintenir la barque mobile sur le flux écumeux du bord, et d’un de ces nerveux coups de rame comme il savait en donner, il la fit monter sur cette mer qui le connaissait, et disparut entre deux vagues pour reparaître comme un oiseau marin, qui plonge en volant et se relève, en secouant ses ailes. C’était à se demander qui des deux reprenait l’autre, si c’était lui qui reprenait la mer ou si la mer le reprenait ! Nous le suivîmes des yeux par ce clair de lune, qui rendait les ondulations de l’eau lumineuses ; mais la houle, qu’il trouva quand il fut au large, finit par nous cacher cette espèce de pirogue de si peu de bois, qu’il montait ; ce mince canot presque fantastique ! Le Farfadet s’était évanoui… Nous nous dirigeâmes vers Touffedelys par les dunes ; il faisait superbe. J’ai vu rarement, dans ma vie de chouanne à la belle étoile, une plus belle nuit. Nous entendions de moins en moins le bruit de la mer, qui s’éloignait et qui commençait à découvrir ses premières roches. Du côté des terres, tout était calme : la brise de la mer mourait à la grève, les arbres étaient immobiles. Sur la hauteur, dans le lointain bleuâtre,