Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cérémonie, en douillette et en pantoufles, travailler près de vous chaque soir, car voici le mois où je ne puis rester chez moi toute seule, quand la nuit est tombée…

Elle dit cela comme si l’on avait su ce qu’elle voulait dire ; et, de fait, les deux Touffedelys s’inclinèrent d’adhésion, comme ces magots chinois qui baissent la tête ou tirent la langue quand on les met en branle en s’en approchant… Seulement, elles s’arrêtèrent au premier de ces deux mouvements…

— Vraiment, je regretterai d’être venue, continua-t-elle, si je vois que je vous dérange, que j’interrompe ce que vous disiez… Avec une fille d’aussi peu de ressource que moi dans la causerie, il faut toujours, mes chères amies, faire comme si je n’y étais pas.

Mais il semblait précisément que ce ne fût pas si facile de faire ce qu’elle disait là d’une voix légère et résignée ! Ni dans cette partie indifférente du monde qui s’appelle le grand ou le beau monde, ni dans le petit monde de l’intimité, ni nulle part enfin dans la vie, cette femme, cette sourde, cette Aimée, ne pouvait passer inaperçue. Et bien loin qu’on pût faire jamais, quand elle était là, comme si elle n’y était pas, on sentait, tant elle était charmante ! que, même là où elle n’était plus, elle semblait être encore et rester toujours !