Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/61

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des grandes victimes ! Aimée de Spens avait perdu son fiancé au moment où, devenue pauvre par le fait de la spoliation révolutionnaire, elle cousait elle-même sa modeste robe de noces de ses mains féodales ; et même on ajoutait tout bas qu’elle avait fait de cette robe inachevée et inutile le suaire de son malheureux fiancé… Depuis ce temps-là, et il y avait longtemps, le monde intime au sein duquel elle vivait l’appelait souvent la Vierge-Veuve, et ce nom exprimait bien, dans ses deux nuances, sa destinée. Comme il faut avoir vu les choses pour les peindre ressemblantes, le groupe de vieillards qui l’entourait et qui l’avait vue, en pleine jeunesse, donnera peut-être en parlant d’elle, dans cette histoire, une idée de sa beauté passée ; mais il paraît que cette beauté avait été surnaturelle.

Lorsque le vent de la poésie romantique soufflait dans la tête classique de l’abbé de Percy, qui était poète, mais qui tournait ses vers au tour en l’air de Jacques Delille, il disait, sans trop croire tomber dans le galimatias moderne :


Ce fut longtemps l’Astre du jour ;
Mais c’est l’Astre des nuits encore !


Et, quelle que fût la valeur métaphorique de ces deux vers, ils ne manquaient pas de justesse.