Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/62

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En effet, Aimée, la belle Aimée, était une puissance métamorphosée, mais non détruite. Tout ce qui avait été splendide en elle autrefois, tout ce qui foudroyait les yeux et les cœurs, était devenu, à son déclin, doux, touchant, désarmé, mais suavement invincible. Sidérale d’éclat, sa beauté, en mûrissant, s’était amortie. Comme les rayons de la lune, elle s’était veloutée…

L’abbé disait d’elle encore ce joli mot à la Fontenelle, pour exprimer le charme attachant de sa personne : « Autrefois, elle faisait des victimes ; à présent elle ne fait plus que des captifs. » Le foisonnant buisson de roses s’était éclairci, les fleurs avaient pâli et se dépouillaient, mais en se dépouillant, le parfum de tant de roses ne s’était pas évaporé. Elle était donc toujours Aimée… L’outre-mer de ses longs yeux de « fille des flots », qui distinguait, comme un signe de race, cette descendante des anciens rois de la mer, ainsi que les chroniques désignent les Normands, nos ancêtres, n’avait plus, il est vrai, la radieuse pureté de ce regard de Fée, ondé de bleu et de vert, comme les pierres marines et comme les étoiles, et où semblaient chanter, car les couleurs chantent au regard, la Sérénité et l’Espérance ! Mais la profondeur d’un sentiment blessé, qui teignait tout de noir dans l’âme