Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/67

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— Et à présent, ma chère Percy, fit doctoralement mademoiselle Ursule, vous pouvez dire tout ce qu’il vous plaira sans aucune crainte. Quand sa surdité la reprend, elle devient encore plus distraite que sourde, et, c’est moi qui vous en réponds, elle n’entendra pas un seul mot, fendu en quatre, de votre histoire.

— Oui, dit l’abbé ; seulement, ma sœur, vous ferez bien de vous arrêter, si votre fougue vous le permet, quand elle lèvera la tête de son ouvrage, car ces diables de sourds voient le son sur les lèvres, et les mots leur arrivent par les yeux.

— Lignes et hameçon ! dit le baron de Fierdrap étonné, que de précautions pour une histoire ! C’est donc quelque chose de bien terrible pour mademoiselle Aimée, ce que vous allez raconter ! J’avais bien ouï dire autrefois qu’elle avait perdu son fiancé dans la fameuse expédition des Douze, et qu’elle n’avait jamais, à cause de cela, voulu entendre parler de mariage, depuis ce temps-là, malgré les bons partis qui se présentèrent ; mais, bon Dieu ! où donc en sommes-nous, si, au bout de vingt ans, il faut prendre des ménagements pareils pour raconter une vieille histoire devant une… devant une…

— Allons, achève ! devant une vieille fille !