Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/68

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interrompit l’abbé. Elle ne t’entend pas, et voilà déjà le bénéfice de sa surdité qui commence ! Mais, mon pauvre Fierdrap, cette vieille fille, comme tu dis, eût-elle l’âge des carpes que tu pêches dans les étangs du Quesnoy, et elle est encore loin de cet âge et du nôtre, cette vieille fille, c’est mademoiselle Aimée de Spens, une perle, vois-tu ? qui ne se trouve pas dans la vase où tu prends tes anguilles, une espèce de femme rare comme un dauphin, et à laquelle un vide-rivière de cormoran, comme toi, n’est pas troussé pour rien comprendre, pas plus qu’à ce terrible coup de filet autour du cœur, qu’on appelle un amour fidèle !

— Peuh ! fit le baron, sur lequel le mot de l’abbé opéra comme un clangor tubœ, qui lui sonnait la diane de sa manie, et qui lui fit enfourcher son dada ; j’ai pêché, il y a environ dix ans, sous les ponts de Carentan, et à l’époque de l’équinoxe de septembre, un poisson de la grosseur d’un fort rouget, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à un dauphin, s’il faut en croire les peintures, les écussons et les tapisseries où ce phénix des poissons est représenté. Comment se trouvait-il dans la Douve ? La mer l’avait-elle rejeté là comme elle y rejette quantité de saumons, à certaines saisons et à certaines marées ? Mais le fait est que je l’y trouvai pris à une de mes lignes dormantes,