Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/73

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salle à manger du château, n’étaient plus… Quand la France se mourait dans les guerres civiles, les rouets, l’honneur de la maison, devant lesquels nous avions vu, pendant notre enfance, nos mères et nos aïeules, assises comme des princesses des contes de Fées, les rouets dormaient, débandés et couverts de poussière, dans quelque coin du grenier silencieux. Pour parler à la manière des fileuses cotentinaises : nous avions un lanfois, plus dur à peigner. Il n’y avait plus de maison, plus de famille, plus de pauvres à vêtir, plus de paysannes à doter ; et la chemise rouge de mademoiselle de Corday était tout le trousseau en espérance qu’à des filles comme nous avait laissé la République !

« Or, à l’époque dont je vais vous parler, monsieur de Fierdrap, la grande guerre, ainsi que nous appelions la guerre de la Vendée, était malheureusement finie. Henri de la Rochejacquelein, qui avait compté sur l’appui des populations normandes et bretonnes, avait, un beau matin, paru sous les murs de Granville ; mais, défendu par la mer et ses rochers encore mieux que par les réquisitionnaires républicains, cet inaccessible perchoir aux mouettes avait tenu ferme, et de rage de ne pouvoir s’en rendre maître, la Rochejacquelein, à ce moment-là, dit-on, dégoûté de la vie, était allé briser son épée sur la porte de la ville, malgré