Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/74

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le canon et la fusillade ; puis, il avait remmené ses Vendéens. Du reste, si, comme on l’avait cru d’abord, Granville n’avait pas fait de résistance, le sort de la guerre royaliste aurait-il été plus heureux ?… Nul des chefs normands (et je les ai tous très-bien connus), qui avaient dans notre Cotentin essayé d’organiser une chouannerie, à l’instar de celle de l’Anjou et du Maine, ne le pensait, même dans ce temps où l’inflammation des esprits rendait toute illusion facile. Pour le croire, ils jugeaient trop bien le paysan normand, qui se battrait comme un coq d’Irlande pour son fumier et dans sa basse-cour, mais à qui la Révolution, en vendant à vil prix les biens d’émigrés et les biens d’Église, avait précisément offert le morceau de terre pour lequel cette race, pillarde et conservatrice à la fois, a toujours combattu, depuis sa première apparition dans l’histoire. Vous n’êtes pas Normand pour des prunes, baron de Fierdrap, et vous savez, comme moi, par expérience, que le vieux sang des pirates du Nord se retrouve encore dans les veines des plus chétifs de nos paysans en sabots. Le général Télémaque, comme nous disions alors, c’est-à-dire, sous son vrai nom, le chevalier de Montressel, qui avait été chargé par M. de Frotté d’organiser la guerre dans cette partie du Cotentin, m’a souvent répété combien il avait été