Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

difficile de faire décrocher du manteau de la cheminée le fusil de ces paysans, chez qui l’amour du roi, la religion, le respect des nobles ne venaient que bien après l’amour de leur fait et le besoin d’avoir de quay sur la planque[1]. « Tous les sentiments de ces gens-là sont des intérêts », me disait, dans son dépit, le chevalier, qui n’était pas de Normandie. Et il ajoutait, M. de Montressel : « Si la chair de Bleu s’était vendue au prix du gibier, sur les marchés de Carentan ou de Valognes, pas de doute que mes lambins dégourdis n’en eussent bourré leurs carnassières, et ne nous eussent abattu, à tout coin de haie, des républicains, comme ils abattaient, dans les marais de Néhou, des canards sauvages et des sarcelles ! »

« Et si je reviens sur tout cela, monsieur de Fierdrap, quoique vous le sachiez aussi bien que moi, c’est que vous n’étiez plus là, vous, quand nous y étions, et que je me sens obligée, avant d’entrer dans mon histoire, de vous rappeler ce qui se passait en cette partie du Cotentin, vers la fin de 1799. Jamais, depuis la mort du roi et de la reine, et depuis que la guerre civile avait fait deux camps de la France, nous n’avions eu, nous autres royalistes, le courage sinon plus abattu, au moins plus na-

  1. De quoi sur la planche.