Tout cela est incontesté aujourd’hui et demain sera
incontestable, et nous le laisserons à qui fait la cour à
la gloire en lui faisant écho, pour prendre seulement
un détail de ces lettres, un détail entre mille, parce
que ce détail donne à leur publication une spécialité
de saveur morale et une nuance de beauté littéraire
que nous n’avons jamais trouvées à un égal degré
dans les autres Correspondances de Joseph de Maistre,
et sur lequel, pour cette raison même, nous demandons
la permission d’insister.
Il y est pourtant bien exquis déjà, en ces correspondances ! Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas ! Le sentiment paternel a cela de divin, il est vrai, qu’il se paye comme Dieu avec lui-même et qu’il est heureux uniquement de ce qu’il existe. Vous savez la phrase très commune, mais très vraie : « Quel mérite a-t-on d’aimer ses enfants ? » On a le mérite des âmes bien faites et profondes ; mais de mérite acquis, pénible, arraché aux instincts et tout saignant des cruautés du sacrifice, il n’y en a point, c’est la vérité !