Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/258

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plume, et il n’a osé que le mot d’Études… Or, Études est un mot qui dit l’effort, mais qui ne dit pas la réussite. Étude, c’est l’essai solitaire qui risque une confidence avec le public, et le monde est brutal ; il ne veut que des choses accomplies. Il pourrait bien laisser un studieux comme Faliés étudier tout seul… Je sais bien que ce laborieux aura toujours la ressource de l’Academie des inscriptions, pour laquelle évidemment il travaille ; mais la grande publicité, à laquelle il doit viser, lui manquera. Du moins, il n’en est pas aussi certain avec son titre écolier, et rougissant vertueusement, d'études, que s’il avait écrit fastueusement à la tête de son livre ce titre qui chausse si bien, comme dirait Rabelais, les grands déchaussés de cervelle : Histoire des civilisations !

Car, civilisation, c’est le mot du siècle ! C’est le mot favori d’une époque qui n’est pas plus sûre de son dictionnaire que de ses institutions, et qui procède par engoûment avec l’un comme avec les autres. C’est le mot de l’orgueil moderne, le plus endiablé des orgueils ! C’est le mot que fait claquer tout le monde : philosophes, hommes d’État, professeurs, journalistes, avocats, — et surtout avocats, — enfin tous les postillons de Longjumeau du Progrès ! Tous, à propos de tout ou de rien, clament ce grand mot de civilisation, qui semble avoir quarante syllabes. Rengaine du temps ! Chaque siècle a ses mots, qui sont des rengaines… Le XVIIIe siècle avait celui de « sensibilité », et vous savez