Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme il fut sensible, ce siècle qui inventa la guillotine, par sensibilité ! Nous, plus mâles, nous avons : civilisation, et nous sommes civilisés à peu près comme les gens du XVIIIe siècle furent sensibles. Du reste, quand on va au fond de ce mot, dont le monde actuel est follement épris comme d’une nouveauté, on y trouve une chose assez vieille : c’est l’action très connue et très continue des siècles, en vertu de laquelle les mœurs se polissent. Voilà tout ! Faire une histoire des civilisations, pour qui ne s’accroche pas bêtement aux mots, c’est comme faire une histoire générale des peuples. On en faisait bien avant Faliés, de ces histoires-là. Et même une histoire générale des peuples disait davantage, car elle comprenait aussi les barbaries, et l’histoire des civilisations ne comprend, comme le mot le dit, que les Civilisations… Les Études de Louis Faliés, dont le mot de civilisation, plus hardiment employé, aurait pu faire la fortune, ne sont donc un livre ni d’idée ni de forme nouvelles. Ce n’est point un livre d’histoire écrite pied à pied, renfermée dans sa chronologie, avec son développement logique d’événements, la seule histoire qu’il y ait, en somme ; mais une contemplation flottante d’influences possibles et de résultats généraux, un discours sur l’histoire, la chose de soi la plus fallacieuse qu’il y ait. Sublime peut-être avec un homme sublime, mais plate avec tous les esprits plats, et d’ailleurs discutable toujours ! C’est Montesquieu, qui ne fut jamais plat,