Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/58

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ressemblait à une rose jaune presque déchirée à force d’être épanouie et que le temps avait meurtrie, et mille souffles et mille mains. Altaï et Somegod s’assirent près d’elle.

— « Ô Amaïdée ! — lui dit Altaï, — à quoi penses-tu devant un spectacle si nouveau pour toi ? Ne t’épouvantes-tu pas de cette vie qui commence et à laquelle tu fus si peu accoutumée par celle dont tu as vécu jusqu’ici ?

— Non ! je ne m’épouvante pas, — dit-elle. — Doutes-tu déjà de mon courage, Altaï ? Crains-tu que les mollesses de ma vie m’aient brisée au point de me rendre incapable du moindre effort ? Et d’ailleurs tout était-il donc mollesse dans cette vie que tu me reproches ? Ai-je moins bien dormi sur le lit de feuilles sèches de Somegod que sur les lits de soie abandonnés ?

— Non ! mon enfant, — répondit le Philosophe, plus jeune que celle à qui il adressait cette appellation protectrice, mais bien plus vieux par la sagesse, cette paternité plus auguste que celle des cheveux blancs et de la nature ; — ce serait déjà bien tôt pour te démentir.

— Sais-tu, Altaï, — ajouta Amaïdée d’une