Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— L’amour passe, et la vertu demeure. Si je t’ai entraînée avec moi, ce n’était ni comme une victime ni comme une esclave. Je ne suis point un de ces insolents triomphateurs de l’âme des femmes, chassant devant eux les troupeaux qui leur serviront d’hécatombes. En me suivant, je te voulais libre ; je le désirais, du moins. Tu ne l’étais pas, et c’est peut-être la raison pour laquelle tu es venue. Vous autres femmes, vous n’avez que des enthousiasmes et n’obéissez qu’à des sentiments. Mais si je te laissai obéir au tien, ô mon enfant ! si je ne te mis pas la main sur la bouche quand tu me répétas cette triste parole que tu m’aimais, et si je ne partis pas seul, c’est que j’étais sûr que le temps t’arracherait du cœur cette épine et que je te voulais meilleure qu’heureuse. »

Amaïdée avait posé son front sur la main qui soutenait son menton tout à l’heure. Son cou dessinait une courbe charmante. On aurait dit une Mélancolie éplorée ou une Résignation qui se ployait sous les paroles d’Altaï. Que se passait-il en cette âme comme cachée sous le corps incliné, dans cette femme qui semblait s’ombrager d’elle-même ? Altaï regardait la terre en prononçant