Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/77

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arts. — Ils l’ont admirée, la grande Déesse, la Galatée immortelle, sur son piédestal gigantesque, mais ils n’ont jamais désiré l’en faire tomber pour la voir de plus près ! Ils n’ont jamais désiré clore avec la lave de leurs lèvres la bouche de marbre dédaigneusement entr’ouverte !… Hélas ! tout à l’heure encore votre amour, à vous, m’impose ses images pour exprimer ce que je ressentais. Ah ! exprimer l’Amour, cela vous est possible, mais moi, Amaïdée, je ne puis ! Et tu me demandes où est ma Poésie ? Elle est toute dans cet inexprimable amour, qui l’a clouée, comme la foudre, au fond de mon âme, où elle se débat et ne peut mourir. En vain je m’épuise en adorations sublimes ou insensées ; j’ai pitié de mon éloquence. Vous, du moins, vous pouvez vous saisir, vous rapprocher, mêler vos souffles et féconder vos longues étreintes ; mais moi, je croise mes bras sur ma poitrine soulevée, et, impuissant devant l’infini, je reste, succombant sous les facultés de l’homme inutiles ! Tout amour commence par l’ivresse, un pur nectar dont la lie n’est pas loin et brûle, mais on ne se fait point sa part dans l’amour : il faut boire encore, boire toujours, pourvu qu’il en reste ; on vomirait plu-