Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tacle dans les nues, un parfum apporté par les brises, interrompait l’acharnement du suicide, et je joignais mes mains sanglantes, et je tombais à genoux devant cette merveilleuse Nature, trop belle pour que je voulusse la quitter ! Je me sentais rattaché à la vie par l’idée que l’âme, se mêlant au Pan universel, y doit tomber submergée et perdue, et je ne voulais pas anéantir mon amour. Ainsi je répudiais courageusement les promesses du Panthéisme ; car c’étaient ces organes maudits et blessés qui mettaient entre moi et la Nature les rapports d’où naissaient et mon bonheur et ma souffrance, et, dans l’incertitude de les détruire, j’aurais refusé d’être Dieu !

« Voilà pourquoi, ô Amaïdée ! Altaï t’a dit que j’étais Poète ; mais je n’étais, hélas ! que le martyr de mes pensées. Hommes et femmes, qui avez des regards et des caresses, vous qui pouvez dénouer des chevelures et confondre la flamme de vos bouches incombustibles, c’est vous qui êtes les Poètes, et non pas Somegod ! Dans l’isolation de mon impuissance, pour me soustraire à ce néant qui m’oppressait, je cherchais parfois à refléter cette âme épanchée sur les choses, dans